L’heure de la reproduction à enfin sonnée.

Nous sommes à la mi-novembre, et même si nous vivons une fin d’automne exceptionnelle, les températures de l’eau et de l’air ont bien baissé. Les journées sont plus courtes. Les poissons l’ont bien senti et ils commencent à regagner leurs quartiers d’hiver.

Récemment, les daurades ont quitté la lagune de Salses/Leucate pour rejoindre la mer. Au large, elles vont se reproduire et assurer ainsi la survie de l’espèce. Il y a quelque temps déjà qu’elles se sont regroupées en bancs pour sortir de la lagune. Comme elles, les loups ne vont pas tarder aussi. Depuis la fin de l’été, ils n’ont eu de cesse d’emmagasiner de la graisse pour se préparer à affronter les rigueurs de l’hiver.

Les loups (dicentrarchus labrax) ou bars en atlantique sont mieux adaptés aux variations de température. Ils attendent le moment et préparent eux aussi leur migration pour aller se reproduire. Les locaux le savent bien, et nombreux sont ceux à venir, tenter leur chance à la pêche au loup de nuit, aux sorties des graux du Barcares et de Leucate.

La reproduction du Loup.

Le corps des poissons est truffé de capteurs. Ils lui fournissent tout au long de l’année des informations sur les modifications liées à son l’environnement. Ils le renseignent ainsi sur la photo-période, cette combinaison des nombres d’heures de jour et de nuit, qui varie selon les saisons.

La photo-période est ensuite analysée par la glande pinéale ou épiphyse. C’est en quelque sorte le troisième œil des poissons.

Elle agit comme un intermédiaire entre les variations de la photo-période et l’activité sexuelle. Elle contribue à synchroniser les conditions physiques les plus favorables de l’environnement avec la période de reproduction.
Ainsi, lorsque les jours raccourcissent ou s’accroissent et que la photo-période varie, la glande pinéale va sécréter une hormone la mélatonine qui va influer sur le comportement du poisson. Certains vont se rassembler en banc comme les daurades pour migrer ensemble, d’autres vont préparer un nid, mais tous vont modifier leur comportement afin d’être prêt au moment venu, à la période du frai.

Pour la survie d’une espèce, il est essentiel que les jeunes naissent et soient sevrés au moment où les conditions naturelles sont les plus favorables. Ces périodes sont différentes selon les espèces.
Ainsi, la glande pinéale joue un rôle central dans la régulation du rythme biologique.
En plus de ce troisième œil, les poissons ont une ligne de capteurs (les neuromastes), bien visible sur les flancs. La moindre variation de courant, de pression, mais aussi de température, ne pourra passer inaperçue.
Si la température varie sensiblement et que la photo-période est en phase, c’est alors le déclenchement de la ponte.

Entre janvier et mars, les loups femelles vont choisir le meilleur moment pour libérer dans l’immensité de la Méditerranée leurs milliers d’œufs.

Trois cent milles œufs par kilo de son poids !

Durant la période de reproduction, les poissons s’affaiblissent et dépensent énormément d’énergie pour produire leurs œufs.
Le loup en méditerranée atteint sa maturité sexuelle aux alentours de ses trois ans. Il peut pondre jusqu’à trois cent mille œufs par kilo de son propre poids !
Certains spécimens d’une vingtaine d’années peuvent atteindre la taille d’un mètre et peser jusqu’à dix kilos. En résumé, plus un poisson est gros, plus il pond d’œufs et plus il assurera la survie de l’espèce.

Les tailles minimales de capture du loup sont de 25 cm en Méditerranée et 36 cm en Atlantique. La différence s’explique par des conditions plus favorables en Méditerranée qui font que les loups deviennent matures sexuellement plus rapidement.

Normalement la taille de capture doit permettre d’éviter de pêcher des individus qui n’ont pas encore reproduit. Cette réglementation présente malgré tout l’inconvénient de permettre la pêche des plus gros spécimens qui sont aussi ceux au plus fort potentiel de reproduction.

Après le frai, les œufs flottent dans la colonne d’eau. De nature pélagique, ils sont transportés au gré des courants. Ils éclosent en moyenne entre 120 et 130 heures après la ponte. Après avoir résorbé leur sac vitellin, les larves vont se nourrir du zoo-plancton présent et grandir rapidement. Elles sont malgré leur quantité importante du départ une source de nourriture pour tous les prédateurs environnants. Les juvéniles survivants vont ensuite vivre en banc de même taille dans les nurseries, principalement constituées par des herbiers de posidonie. Plus tard à l’âge adulte, ils vivront seul ou en petits groupes.

Afin de préserver la ressource de notre passion, nous autres pêcheurs, nous avons un devoir. Même si leur taille en permet la capture, mais que leurs ventres sont remplis d’œufs, relâcher ces femelles n’enlèvera rien au plaisir de notre pêche, mais garantira un peu plus la pérennité de l’espèce. Cependant, s’abstenir de pêcher le loup en période de reproduction reste la meilleure solution pour que demain, nos enfants eux aussi connaissent les plaisirs et sensations que procure cette pêche.